Session 3 : les actes de management

Section 1 : La posture de management

 

1 Introduction

Nous allons aborder ici la posture personnelle de management. Chaque salarié exerce des responsabilités, en application de ses missions, de sa fonction mais également en raison de sa personnalité, de ce qu'il est. 

C'est cette posture personnelle que nous essayerons de lire et de comprendre. Elle restera complexe, car touchant à la psychologie de la personne. 

Nous nous attacherons aussi à toujours mettre en perspective cette posture avec le contexte d'exercice du métier : le monde de l'économie sociale et la présence, dans la gouvernance, de bénévoles. 

C'est là le coeur de notre sujet, et même si la place du salarié responsable, la manière dont il s'investit, doit être examinée, il n'en reste pas moins qu'elle doit s'inscrire dans un contexte qui influe incontestablement sur sa manière d'être en tant que responsable, en tant que leader.

 

2 Le directeur, un être complexe

Il est des choses que nous devons admettre, elles tiennent de la complexité de la nature humaine et se retrouvent, bien évidemment dans l'exercice d'une responsabilité. 

Ceci d'autant plus qu'elle est partagée par une équipe bénévole, voire un bénévole (président) qui revêt la même complexité quant à la personnalité. 

Retenons en premier lieu que le directeur ou responsable n'est pas "un" mais est un être fragmenté de beaucoup de traits de caractère. 

Il est donc varié et pas toujours cohérent. Exercer une direction ou assumer les responsabilités de chef de service c'est admettre de s'interroger constamment, admettre que nous ne soyons pas toujours cohérents et d'ailleurs pas toujours transparents. L'admettre, c'est aussi savoir que le président a également sa propre stratégie d'acteur, qu'elle soit consciente ou non.

C'est donc à un être variable que nous avons à faire, autant que les bénévoles et les salariés avec lesquels nous sommes appelés à travailler.

Pour exemple, nous pouvons retenir, comme illustration le principe de Charlotte Herfray : le carré magique.

 

Que nous apprend ce schéma :

  • Le statut et la fonction sont étroitement liés, le statut naît de la fonction, les deux doivent donc être cohérents.
  • Il existe de la même façon un lien fort entre le sujet et le rôle. Soulignons ici la place prépondérante de l’inconscient, révélateur d’une personnalité, d’une psychologie qui influe naturellement le rôle que l’on joue.
  • Attardons-nous maintenant à des interactions qui font intervenir des aspects personnels et institutionnels. S’agissant du statut et du sujet, le schéma nous apprend qu’il y a lieu de prendre la distance suffisante entre le statut du responsable et sa propre personne, ce qu’elle est. Par manque de distance, on risque de définir nos actions, ou plutôt nos actes comme étant la stricte application de ce que l’on pense (manque de discernement). Trop de distance fera perdre la dimension personnelle du management, celle qui fait que l’on installe une autorité naturelle, un leadership. C’est également une préoccupation qui touche à la relation avec le bénévole responsable…le président. La gouvernance ne peut fonctionner qu’à la condition que chacun ait de l’autre (ou soit en capacité de l’avoir) une bonne perception de la personnalité. Tout en sachant qu’elle ne submerge pas le statut ni la fonction, qu’elle ne conduit pas exclusivement les actes.

 

Tous les jours, que ce soit par l’équipe bénévole, par les salariés dont on a la charge de la direction, ou par les partenaires, nous sommes confrontés à une remise en cause, plus ou moins marquée. Il faut admettre qu’elle touche aussi bien le statut que la personne, l’individu. La force qui doit être celle du directeur ou du salarié responsable est de savoir trouver la bonne distance qui évite de tout prendre pour soi et qui soit suffisamment perçue «personnellement» pour permettre l’interrogation indispensable à la réflexion et à l’action.

3 Le directeur, homme de pouvoir

Comment s’acquiert le pouvoir ?

Il est, selon moi, la conjugaison de son statut mais aussi de son autorité. 

Le statut (contrat de travail), la fonction (fiche de poste ou de missions), la délégation unique, sont autant de documents externes qui formalisent le droit de décider.

L’autorité elle, ne se décrète pas, elle s’acquiert. Elle procède d’une légitimité que l’on obtient de l’équipe que l’on encadre. L’organigramme seul ne suffit pas. L’autorité peut revêtir plusieurs domaines :

  • Formelle : le poids de l’organigramme mais qui renvoie plutôt à la fonction
  • Technique : assise sur une reconnaissance, par l’équipe de la connaissance «métier» du responsable.
  • Naturelle : qui tient du leadership, de la capacité à «emmener» son équipe, à la faire adhérer aux projets.

C’est donc la conjugaison de tous ces éléments qui conduisent le responsable à être perçu comme un manager, un leader.

Cela est vrai pour le personnel que l’on encadre mais aussi dans la relation avec l’équipe dirigeante, les bénévoles.

Je pense que le directeur assumera pleinement son rôle (aspect personnel) et sa fonction (aspect institutionnel) qu’à la condition qu’il soit perçu également comme manager incontesté par les bénévoles. Mais aussi parce que l’exercice du management laissera la place aux bénévoles, celle de débattre et celle de définir les orientations principales.

Ce qui conduit à évoquer la notion d’éthique comme une exigence de tous les instants. Le pouvoir doit être légitime.

Il ne tirera sa légitimité que dans la mesure ou il est exercé pour servir le projet dans le souci constant de son évaluation et dans la perspective d’en rendre compte auprès des bénévoles.

 

4 Le directeur comme arbitre ?

De quel arbitrage parlons-nous ? Celui de juger, seul et du haut de son autorité, ou du pouvoir que l’on accorde (cf. Point précédent) ?

Je pense, que le directeur, ou le responsable,  arbitre dans le sens où il s’inscrit dans une approche systémique du management. L’organisation est un système complexe, elle-même composée d’environnements multiples et donc d’autant de sous-systèmes.

La réalisation d’un projet, dans un système complexe ne peut se faire sans contrats ni compromis.

Le schéma ci-dessous peut illustrer les différents «noeuds de contrat» :

 

On le voit, les actes de management doivent se situer au carrefour de beaucoup de contraintes environnementales, qu’il s’agisse de l’institution elle-même, mais aussi des hommes qui y travaillent, des moyens mis en oeuvre ou du poids des partenaires extérieurs dans la gouvernance.

 

Section 2 : La question du recrutement…et de la rupture du contrat de travail

 

1 Introduction

 

Recruter, promouvoir, mais également sanctionner et rompre un contrat de travail sont autant d’actes de management, qui peuvent être réussis…ou pas.

Là encore, il convient de garder à l’esprit que ce sont des actes forts qui doivent aussi impliquer le bénévole en responsabilité (président, responsable du personnel…). 

D’autant plus important que la place du bénévole est prépondérante car elle touche à l’embauche, à l’exécution du contrat de travail ou à sa rupture. Plus que tout autre acte, ils touchent au pouvoir même d’employeur et imposent que celui-ci soit clairement identifié…et présent !

2 Réussir un recrutement

Le recrutement d’un salarié est toujours une opportunité à saisir pour enrichir ses ressources humaines et ainsi donner les moyens de mieux atteindre les objectifs fixés dans le cadre du projet. Mais l’arrivée d’un nouveau collaborateur se prépare et doit s’appuyer sur des attentes bien connues, écrites avec précision. Car si un nouveau salarié peut apporter beaucoup, il doit avant tout répondre à des critères maitrisés.

 

Définir le besoin et identifier le poste

Il est essentiel d’avoir bien défini le poste avant de lancer le recrutement. Qu’il s’agisse d’un remplacement ou d’une création de poste, il faudra toujours se poser la question de la définition de l’emploi à pourvoir et situer le poste dans le cadre du projet de l’association, mais surtout du projet de service ou d’établissement.

Les questions à se poser :

  • Quelles sont les missions générales ?
  • Quel est le contenu précis du poste ?
  • Quels vont être les objectifs à atteindre ?
  • Comment se situera le poste au sein de l’équipe, qui en sera le référent hiérarchique ?
  • Quelle sera la qualification, la classification et la rémunération ?
  • Quelles seront les contraintes liées au poste ?

La place du bénévole

Dès ce stade, elle est primordiale, justement parce qu’elle fait référence au projet de service, voire d’association. Enfin parce que c’est là le premier acte d’employeur. Associer les bénévoles (le président ou une commission du personnel) c’est marquer la gouvernance, en réponse au DUD (document Unique de Délégation).

Arrêter le profil recherché

Lorsque les missions à confier sont bien définies, et que le poste est clairement positionné dans la structure, il convient de cerner le profil qui conviendra le mieux au regard du contexte dans lequel ce poste est créé.

Les points à examiner :

  • Les compétences recherchées
  • Le niveau et le type d’études requis
  • La personnalité (capacité à travailler en équipe, confidentialité,…)
  • L’expérience

La place du bénévole

Elle est ici moins déterminante. Les points évoqués ci-dessus procèdent d’une analyse de professionnel et il peut sembler naturel que son examen soit laissé aux personnels en charge d’organiser le recrutement. Toutefois, il est intéressant qu’un mémo soit rédigé, à l’attention du président, pour indiquer les points qui seront déterminants, sinon dans le choix, du moins dans la lecture des CV et la présélection des candidats.

 

Déterminer le contrat de travail à proposer

La nature du contrat doit tenir compte des conditions dans lesquelles le poste est à pourvoir.

L’analyse des différentes possibilités doit être réalisée de façon exhaustive de sorte de n’omettre aucune possibilité. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la légitimité de recourir à l’embauche. Même si la décision d’embaucher est prise et, peut-on le supposer, réfléchie, c’est là l’occasion de s’interroger une ultime fois. La décision d’employer un nouveau salarié est un acte important et qui engage !

 

Rédiger et diffuser l’offre d’emploi

L’offre contient les informations à porter à la connaissance des candidats. Elle précise le métier, les missions, le profil recherché, les compétences requises et les conditions matérielles propres à l’emploi concerné.

Le choix du candidat

Il est le point final à un long parcours de recrutement qui passe par :

  • L’analyse des CV. Il est important de définir une grille de lecture du CV de sorte de permettre d’introduire, dès leur lecture, une dose d’objectivité.
  • De programmer les entretiens
  • De définir la posture à conduire pendant l’entretien. Le recruteur devra ne pas monopoliser tout le temps de l’entretien pour présenter la structure, le poste, etc… L’entretien est la première occasion de permettre de mieux connaitre le candidat. Il faut donc le mettre en confiance et adopter une posture d’écoute. L’entretien doit donc permettre d’apprécier l’adéquation du candidat au poste et non l’inverse ! Ce serait une erreur d’être séduit par un candidat au point de remettre en question le profil du poste qui lui procède d’une étude souvent longue est rigoureuse !
  • Informer le candidat du processus de recrutement et du calendrier. Toujours apporter une réponse, même (et surtout) s’il s’agit d’une décision de ne pas embaucher.

La place du bénévole

Elle est ici, et selon moi, prépondérante. Si le rôle du directeur est de valider l’étude du poste qui conduit à la décision de recruter, il doit naturellement être plus effacé dans la décision finale qui revient à la hiérarchie référente, car c’est elle qui accueillera et encadrera directement le salarié recruté. Parallèlement, et en fonction de l’importance du poste dans l’organisation, et notamment s’agissant du degré de pouvoir de décision, il doit être fait appel aux bénévoles. Un premier entretien de «professionnels» peut permettre de définir une présélection. Ensuite, une commission du personnel doit pouvoir recevoir les candidats présélectionnés pour un second entretien dans le cadre d’échanges, peut-être moins techniques, mais qui révèle sans doute autant le candidat que la vrai nature du poste et la posture qui sera demandée au futur collaborateur.

 

L’accueil, l’intégration

Pour qu’un recrutement soit pleinement réussi, il faut savoir accueillir le nouveau collaborateur et prévoir un véritable parcours d’intégration fait de découverte de la structure, du poste, des collègues mais aussi d’échanges.

Pour ma part, je suis assez attaché à ce que l’on nomme le «retour d’étonnement». Quelques semaine après l’embauche il est toujours intéressant de recueillir les impressions du nouveau salarié. Comment perçoit-il la structure, quelle image elle lui renvoie ? C’est là une occasion de s’interroger sur l’image que l’on donne, du moins celle qui est en premier lieu perçue.

La place du bénévole

Les administrateurs et de façon générale l’ensemble des personnes bénévoles doivent faire partie du processus d’intégration. C’est un facteur incontournable d’apprentissage de la culture associative, de la traduction pragmatique des valeurs telles qu’affichées sur les documents et dans les discours institutionnels.

 

3 Savoir rompre un contrat de travail

La décision de rompre une relation contractuelle de travail est toujours et avant tout un constat d’échec. Pour le salarié concerné bien sûr, puisqu’il a le sentiment naturel d’une décision sanctionnant ses compétence, son savoir-faire ou son savoir être. Cela l’interroge durement et il suffit de se référer au carré magique de Charlotte Herfray  pour s’en rendre compte.

Mais c’est aussi l’occasion d’interroger la structure, ses processus et les procédures qui en découlent. C’est là le principe du «feedback» cher à l’approche systémique du management. 

Surtout ne pas réviser immédiatement les procédures. Si le processus est mal construit, aucune procédure qui en découlerait ne serait alors efficace. 

Pourquoi en est-on venu à rompe le contrat de travail ? Il faut ré-interroger l’ensemble des acteurs. L’erreur existe-t-elle et est-elle identifiable ? :

  • Fallait-il embaucher ?
  • Le profil est-il bien écrit ?
  • L’offre est-elle correctement rédigée ?
  • La grille de lecture des CV est-elle adaptée ? Lu par les bonnes personnes ?
  • La conduite des entretiens doit-elle être révisée ?
  • Une véritable intégration a-t-elle eu lieu ?

Enfin, et s’agissant, là encore d’un acte essentiel d’employeur, la rupture ne peut se concevoir sans la saisine des bénévoles et sans leur implication, notamment dans les entretiens qui en découlent.